Récemment, trois décisions en référés ont été prises venant à contre-courant de la jurisprudence pour la caractérisation de la condition liée à l'urgence dans le cadre d'une requête en référé suspension contre les retraits ou refus de renouvellement de carte professionnelle d'agent privé de sécurité. En effet, l'employeur a pour obligation de veiller à la validité du titre de l'agent qu'il emploie, de sorte que lorsque la carte professionnelle n'est plus valide, en raison soit d'un retrait par le directeur du CNAPS, soit d'un refus de renouvellement, le licenciement du salarié s'impose. En pratique, les sociétés de sécurité privée ont pour habitude de suspendre le contrat de travail de l'agent de sécurité, pour laisser le temps à ce dernier de se mettre en conformité de la loi. Mais il arrive couramment que ces sociétés prennent des décisions hâtives et licencient l'agent de sécurité, dès l'instant qu'il ne bénéficie plus d'une carte professionnelle.
Pour rappel, de telles décisions peuvent être contestées dans le cadre d'un recours en annulation devant le Tribunal administratif compétent. Dès lors que la procédure dure entre 24 et 36 mois, selon le tribunal en cause, ce recours peut être complété par une requête distincte en référé, dans le cadre de laquelle, l'agent de sécurité peut demander la suspension des effets de la décision de retrait ou de refus de renouvellement qui lui a été opposée par le CNAPS. L'agent de sécurité peut en outre demander une injonction au juge des référés à l'égard du directeur du CNAPS, pour qu'à minima, une autorisation provisoire lui soit accordée.
Un obstacle de taille se dresse devant l'agent de sécurité pour que cette procédure en référé puisse aboutir : avant de vérifier s'il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision, le juge des référés doit d'abord et avant tout, constater qu'il existe une urgence objective. C'est donc à l'agent de sécurité d'apporter les éléments qui démontrent qu'il se trouve en situation d'urgence. Selon une formule classique de la jurisprudence, le juge doit vérifier que "la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre" (CE, Confédération nationale des radios libres, 19 janvier 2001, n°228815).
S'agissant des décisions de retrait ou de refus de renouvellement de la carte professionnelle, la jurisprudence considère que ne justifie pas de l'urgence, l'agent de sécurité dont le contrat de travail a déjà été rompu à la date où le juge des référés se prononce, sauf à démontrer des circonstances particulières liées notamment à la situation familiale de l'intéressé (Tribunal administratif de Melun, 4 avril 2024, 2404067 ; Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 2 novembre 2022, 2214066 ; Tribunal administratif de Versailles, 29 juillet 2022, 2205760).
Néanmoins, s'agissant du retrait de la carte professionnelle, le juge des référés du Tribunal administratif de Paris vient d'admettre de manière générale, la caractérisation de la condition liée à l'urgence, dans deux ordonnances rendues le même jour, alors que les contrats de travail avaient été d'ores et déjà rompus dans les deux affaires, sans qu'il soit exigé la démonstration de circonstances particulières de la part des deux agents de sécurité en cause.
Dans la première décision le juge des référés énonce que : "Il résulte de l'instruction que la société Accueil sécurité incendie (ASI), employeur de M. B en tant qu'agent de sécurité privée, a mis fin à son contrat dès la notification de la décision de retrait de sa carte professionnelle, le 13 juillet 2024, ainsi que le démontre le bulletin de salaire de l'intéressé afférent au mois de juillet 2024. M. B fait valoir sans être contesté qu'il tire ses seuls revenus de son emploi au sein de la société ASI et établit qu'il vit au domicile de ses parents à qui il verse chaque mois la somme de 550 euros à titre de soutien financier. Par suite, les effets de la décision litigieuse sur la situation personnelle de M. B sont de nature à caractériser une situation d'urgence au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative" (Tribunal administratif de Paris, 23 août 2024, 2421934).
Dans la seconde décision, ce même juge des référés estime que : "Il résulte de l'instruction que la société Accueil sécurité incendie (ASI), employeur de M. B en tant qu'agent de sécurité privée, a mis fin à son contrat dès la notification de la décision de retrait de sa carte professionnelle, le 13 juillet 2024, ainsi que le démontre le bulletin de salaire de l'intéressé afférent au mois de juillet 2024. M. B fait valoir sans être contesté qu'il tire ses seuls revenus de son emploi au sein de la société ASI. Par suite, les effets de la décision litigieuse sur la situation personnelle de M. B sont de nature à caractériser une situation d'urgence au sens des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative" (Tribunal administratif de Paris, 23 août 2024, 2421935).
Enfin, plus récemment encore, le juge des référés du Tribunal administratif de Lille a appliqué le même raisonnement pour un refus de renouvellement de la carte professionnelle (Tribunal administratif de Lille, 26 août 2024, 2408356).
Ainsi, la condition liée à l'urgence pour l'introduction d'une requête en référé suspension, peut être remplie, même lorsque le licenciement est déjà intervenu, sans qu'il soit nécessaire de faire la démonstration de circonstances particulières comme l'exigeait la jurisprudence antérieure.
A propos de Maître CHAVKHALOV
Vous êtes agent de sécurité et avez des difficultés avec le CNAPS ? En tant qu’avocat expérimenté en droit de la sécurité privée, j’accompagne les professionnels de ce secteur dans leurs recours et démarches face au CNAPS. Que ce soit pour contester une décision ou obtenir des conseils personnalisés, je suis là pour défendre vos droits. N'hésitez pas à me contacter pour un accompagnement adapté à votre situation.
67 rue Boecklin
67000 STRASBOURG
Case ordre 362
SELARL AVOCAT CHAVKHALOV