Par un jugement du 6 juin 2023, le Tribunal administratif de Melun vient de préciser l'étendue du contrôle opéré par le juge administratif lorsqu'il est saisi d'un recours à l'encontre d'une sanction disciplinaire prononcée par le CNAPS, fondé sur la violation de l'article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CEDH).
Pour rappel, l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH garantit le droit à un procès équitable qui précise que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ». En premier lieu, se pose évidemment la question de l'applicabilité de ce texte au CNAPS, qui n'est pas un « tribunal » au sens de celui-ci et ne prononce aucune sanction « en matière pénale ».
Par une jurisprudence constante, le Conseil d'État considère que diverses autorités de contrôle prononçant des sanctions disciplinaires sont assujetties au respect du droit à un procès équitable au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Il en va ainsi de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (CE, 4 février 2005, n° 269001 ; CE, 2 novembre 2005, n° 271202) ou de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (CE, 17 novembre 2006, n° 276926).
Conformément à cette jurisprudence, le Tribunal administratif de Melun précise que « Lorsqu'elle est saisie d'agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par le code de la sécurité intérieure, la commission nationale d'agrément et de contrôle doit être regardée comme décidant du bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens des stipulations précitées de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Compte tenu du fait que les décisions susceptibles d'être prises par la Commission nationale d'agrément et de contrôle sont soumises au contrôle de pleine juridiction du juge administratif, la circonstance que la procédure suivie devant elle ne serait pas en tous points conforme aux prescriptions du paragraphe 1 de l'article 6 n'est pas de nature à entraîner dans tous les cas une méconnaissance du droit à un procès équitable. Cependant, et alors même que la commission nationale d'agrément et de contrôle n'est pas une juridiction au regard du droit interne, l'application du principe des droits de la défense, rappelé par le paragraphe 1 de l'article 6 de la Convention européenne, est requise pour garantir, dès l'origine de la procédure, son caractère équitable par le respect de la conduite contradictoire des débats ». Cette décision apporte ainsi plusieurs précisions.
Le Tribunal administratif de Melun précise ainsi que le CNAPS, qui dispose d'un pouvoir disciplinaire à l'égard des auteurs du marché de la sécurité privée, doit être regardé comme décidant dans le cadre de ce pouvoir, du bien-fondé d'accusations en matière pénale au sens de l'article 6 de la CEDH prévoyant le droit fondamental à un procès équitable. En effet, dès lors que ce texte fait uniquement référence à un « tribunal indépendant et impartial » et ne traite dans sa lettre que des matières civile et pénale, l'application de l'article 6 de la CEDH à la procédure disciplinaire ne va pas de soi et impose par une interprétation extensive de ce texte, afin d'inclure cette procédure à la « matière pénale » qu'il vise. C'est justement ce que fait le Tribunal administratif de Melun en application de la jurisprudence constante du Conseil d'État relative à d'autres autorités de contrôle.
Comme le précise le jugement du Tribunal administratif de Melun, les garanties prévues par le droit à un procès équitable s'appliquent quand bien même « la commission nationale d'agrément et de contrôle n'est pas une juridiction au regard du droit interne », dès lors que « l'application du principe des droits de la défense, rappelé par le paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne est requise pour garantir, dès l'origine de la procédure [disciplinaire], son caractère équitable par le respect de la conduite contradictoire des débats ».
Le Tribunal administratif de Melun précise cependant une nuance de taille, puisqu'il admet que le respect des droits de la défense n'a pas à être « en tous points » conforme aux prescriptions de l'article 6, paragraphe 1, de la CEDH dans le cadre de la procédure disciplinaire devant le CNAPS. Cette limite se comprend notamment par le fait que le CNAPS n'est pas une juridiction répressive visée par ce texte. De plus, le pouvoir de sanction du CNAPS s'exerce dans le cadre de la procédure disciplinaire à l'exclusion de la procédure pénale.
Comme le précise le Tribunal administratif de Melun, le CNAPS est néanmoins tenu au respect de la « conduite contradictoire des débats », le caractère contradictoire de la procédure permettant à la personne de bénéficier d'un délai suffisant pour préparer sa défense et de pouvoir la présenter à l'autorité disciplinaire, ce qui garantit le caractère équitable de la procédure. Le jugement précise donc que « la circonstance que la procédure suivie devant elle ne serait pas en tous points conforme aux prescriptions du paragraphe 1 de l'article 6 n'est pas de nature à entraîner dans tous les cas une méconnaissance du droit à un procès équitable », le Tribunal administratif de Melun le justifiant par le fait que « les décisions susceptibles d'être prises par la Commission nationale d'agrément et de contrôle sont soumises au contrôle de pleine juridiction du juge administratif ».
Le Tribunal administratif de Melun rappelle également que les décisions prises par le CNAPS dans le cadre de son pouvoir disciplinaire sont soumises à un contrôle de pleine juridiction, celui-ci présentant l'avantage de permettre au juge de substituer à la sanction un dispositif réformé, contrairement au contentieux de l'excès de pouvoir qui ne permet que l'annulation de la sanction.
Il rappelle donc indirectement une jurisprudence du Conseil d'État qui offre un contrôle large au juge administratif en matière disciplinaire, dès lors que celui-ci « examine la régularité de la notification et le bien-fondé de chaque grief attaqué, écarte les griefs non régulièrement notifiés et ceux qui ne lui paraissent pas fondés, et adapte la sanction à la gravité des faits qui peuvent être valablement reprochés au requérant » (CE, 15 mars 2006, n° 276370).
Ainsi, par exemple, le juge de plein contentieux peut prendre en compte, pour l'étude de l'adéquation de la sanction disciplinaire, les difficultés financières que celle-ci est susceptible d'occasionner pour la société et ses associés (CE, 27 juin 2007, Société Provalor, n° 276076).
Le Tribunal administratif de Melun précise donc que la méconnaissance du caractère équitable de la procédure « peut, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de l'organisme en cause, être utilement invoquée à l'appui d'un recours formé devant le juge administratif, à l'encontre d'une de ses décisions ».
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